(PHOTO DU 21 AVRIL 06)
Je me disais tout à l'heure que je suis peut-être une vraie salope. Naturellement, je drague, mon sourire et mon charme s'expriment d'eux-mêmes. Petite allumeuse, je m'allume pour les regards de chiens battus. Je suis emportée par l'intuition et je rie du jeu auquel je joue. Je me laisserais facilement gagné : je serais capable d'être infidèle. Je me plais dans l'art de la séduction et je pourrais aller jusqu'à terminer le tableau...
Mon loup est excessivement jaloux, il défend sa proie. Celle-ci accepterait volontiers de céder un sabot ou une cuisse ; toujours elle reviendrait se jeter dans la gueule de son loup. Parfois elle ne ferait qu'appâter les animaux naïfs dans son piège, sa mâchoire souriant pour se refermer violemment : sa chair est déjà toute donnée. Louve parfois extravagante exibant naturellement son charmant pelage, je sais aussi rester muette et écouter les hurlements enragés. Leur rage n'est pas la mienne et je baisse souvent les yeux à cette frénésie indiscrête. Louve je suis et mes yeux engloutissent ; proie je reste, et courrir je connais.
Il devrait être alerte. Ma course peut me mener bien plus loin... Peut-être il croit que je m'occupe des mots doux dont il sait si bien faire usage, je les entend juste. Je suis plus attentive aux attentions et à la spontanéïté. Même aveugle, j'observe. Il pense peut-être bon de se faire désirer, alors que je le désires sans son consentement. Si j'attends, je passe à autre chose : je veux bien être patiente, je suis comme une feuille qui meurt, trop fragile ; instinctivement, ma nature me tourne ailleurs. Je suis certaine de ses sentiments, peut-être pas des miens. J'hésite, je doute, je pense que tout ça n'est rien. Je suis une louve amoureuse, sans être soulagée par l'amour véritable. Ce dernier viendra peut-être de lui-même.
Car le tigre attaque le loup au coeur de chèvre : il y a en effet cette contradiction, contraire à mes convictions. Je serais plutôt de nature aux histoires instables et passagères : lui reste. Il y a quelque chose : c'est ce qui me retient. Il y a tous ces problèmes aussi : et quelque part, c'est comme s'ils n'existaient pas. Je suis très consciente et je suis la première à trouver notre situation ridicule, absurde à tout abandonner. L'amour, c'est un grand mot banal à ne plus avoir de sens : ensemble on lui donne : toutefois, le vivre est une possibilité morte. On veut faire des choix, pas des concessions. Pourtant un avenir semble rugir dans nos gueules. On griffe la Terre pour creuser une tanière sanglante, effrayante par son lieu où dominent les prédateurs les plus redoutables. Et je me dissimule parmi eux sans que ma proie le sache...